Sur le pont d’ Avignon, on y danse, on y danse… encore

Cour d'honneur du Palais des papes - © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

Vicky Papaeftymiou
Vicky Papaefthymiou

Le 5 juillet 2013, une des plus belles villes historiques du Sud de la France, Avignon, s’apprête à l’ouverture de la 67e édition du fameux Festival de renommée qui dépasse les frontières de l’Hexagone.

Cette ville d’art avec ses remparts, son centre historique dominé surtout par le Palais des Papes et le pont Saint-Bénézet (le pont d’Avignon de la chanson enfantine) va accueillir pendant trois semaines au mois de juillet (du 5 au 29) des artistes bien connus mais aussi d’autres moins connus qui vont présenter dans le cadre du Festival ‘’In’’ c.à.d. du Festival Officiel, une quarantaine de créations dans une vingtaine de lieux différents (dans la Cour du Palais des Papes, dans des chapelles, des écoles, des édifices publics.)

Le festival d’Avignon, créé en 1947 par le comédien et metteur en scène Jean Vilar, est un des plus anciens et des plus célèbres au monde. Des artistes contemporains d’origine et de nationalité différentes viennent y présenter leurs créations influencés et inspirés par des cultures et esthétiques différentes. Ils sont animés d’un esprit de confrontation fructueux souvent contrasté où des répertoires avant-gardistes et classiques se croisent, s’opposent souvent mais surtout s’entrelacent, se marient même et coexistent en harmonie pour donner naissance à des spectacles qui surprennent, qui épatent, qui choquent parfois mais qui de toute façon excellent.

Vincent Baudriller et Hortense Archambault - © Ilka Kramer
Vincent Baudriller et Hortense Archambault – © Ilka Kramer

La 67e édition du Festival d’Avignon réserve cette année une agréable surprise due en grande partie à la volonté des co-directeurs Hortense Archambault et Vincent Baudriller encadrés et soutenus par les autorités de la ville: l’inauguration d’une nouvelle salle Fabric A qui permettra aux artistes qui le désirent, d’y travailler et d’y répéter tout au long de l’année dans une salle aux dimensions de la Cour d’honneur du Palais des Papes. C’est le Groupe F, les maîtres de la pyrotechnie, qui ouvrira cette fête de la Culture en lançant un feu d’artifice pour illuminer de façon spectaculaire la nouvelle salle Fabric A.

Les co-directeurs, comme ils l’ont déjà fait dans le passé, ont aussi travaillé cette année avec des artistes associés: le Congolais Dieudonné Niangouna (de Brazzaville), scénariste, réalisateur et acteur avec une pièce qu’il a écrite ‘’Shéda‘’ et le Français Stanislas Nordey qui mettra en scène une pièce de Peter Handke: ‘’Par les Villages‘’ dans la Cour d’honneur. Tous les deux vont aussi participer au festival en tant qu’acteurs.

Cette année le continent africain est à l’honneur puisqu’il sera représenté par de nombreux artistes de pays différents dont beaucoup sont invités pour la première fois. Entre autres il faut mentionner DeLaVallet Bidiefono (de Brazzaville), Faustin Linyekula (de Kinsangani), Qudus Onikeku (de Lagos) et beaucoup d’autres.

Mais les Européens et les grandes œuvres seront aussi au rendez-vous. Le Faust de Goethe sera mis en scène par l’Allemand Nicolas Stemann, Le Roi Lear de Shakespeare revu sous un angle différent par Frédéric Boyer, Olivier CadiotetLudovic Lagarde et Jean-François Peyret présentera sa création sur une œuvre de l’essayiste Henry David Thoreau intitulée Walden ou la vie dans les bois.

Au pied du mur sans porte de Lazare - © Hélène Bozzi
Au pied du mur sans porte de Lazare – © Hélène Bozzi

Cette année, le Festival réunit de nouveaux venus comme Ginterdorfer / Klassen, Jean Gosselin, Sandra Iché, Lazare et des artistes déjà invités les années passées comme Angélica Liddell, Jan Lauwers, Krzysztof Warlikowski, Anne Tismer, Katie Mitchell, Sophie Calle.

Depuis sa création et au fil du temps, le Festival ne se limite pas strictement au théâtre mais s’étend aussi à d’autres formes de spectacle de la scène comme la danse, l’opéra, le café-théâtre, même la musique. Cette année, il n’y aura pas beaucoup de place pour la danse mais ce que le chorégraphe Jérôme Bel va présenter dans la Cour d’honneur, ce sera un spectacle de haute performance en faisant témoigner seize spectateurs.

Et c’est toujours dans la Cour d’honneur que s’achèvera le Festival avec une création d’Anne Teresa de Keersmaeker et de Boris Charmatz sur un morceau de Sébastien Bach avec une seule interprète: Amandine Beyer.

En complément des spectacles, le Festival d’Avignon est aussi un lieu de débats, d’échanges d’idées, de confrontations sous différentes formes: le théâtre des idées, les Territoires cinématographiques, installations et expositions, conférences, lectures.

Aux côtés du Festival ‘’In’’ où les artistes sont invités par les organisateurs, il y a le Festival ‘’Off’’ qui concerne des artistes qui n’ont pas été officiellement sélectionnés et qui viennent de partout dans le monde présenter leur ‘’show’’. Plus de mille spectacles uniques vont ainsi être présentés un peu partout dans la ville, dans les rues, sur les places. Le ‘’Off’’ est un des plus grands festivals au monde pour les compagnies de théâtre indépendantes.

Les vacances d’été à Avignon, c’est une véritable fête artistique et culturelle.

Des notes concernant quelques artistes (dont certains connus du public grec) et leurs oeuvres, qui vont participer à la 67e édition du Festival d’Avignon

Avancer de Kiripi Katembo Siku - © Kiripi Katembo Siku

GROUPE F

Un groupe d’artificiers inspirés, connu en Grèce par les fabuleux feux d’artifice à la cérémonie d’ouverture des J.O. de 2004. Son crédo: créer des spectacles mythiques, enflammés de feux d’artifice, dans des décors naturels comme le ciel, le patrimoine et l’environnement.

OUVERT !

Mot-clé qui symbolise l’ouverture du Festival, l’ouverture de la nouvelle salle FabricA, l’ouverture d’esprit, l’ouverture des espaces naturels. Un spectacle prometteur à la fois explosif et poétique, un cadeau aux Avignonnais et aux festivaliers.

Artistes associés 2013 - Dieudonné Niangouna et Stanislas Nordey - © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

STANISLAS NORDEY

Artiste associé, metteur en scène, découvert dans l’ ‘Off‘’ en 1988 par le public grâce à sa version de la Dispute de Marivaux. Il a fait des études théâtrales aux cours donnés au théâtre dirigé par sa mère, Véronique Nordey et puis au Conservatoire national supérieur d’Art dramatique de Paris.

PAR LES VILLAGES

Il a choisi de mettre en scène une pièce de l’Autrichien Peter Handke ‘’Par les villages’’, ‘’un grand poème dramatique‘’, selon lui. Il considère cette pièce comme une des plus essentielles du XXe siècle en Europe. C’est une pièce qui l’a marqué, ‘’une vague emportant tout sur son passage’’, et désire présenter au public le théâtre qui le touche le plus, le théâtre de la parole.

DIEUDONNE NIANGOUNA

Second artiste associé, Congolais, réfugié à cause de la guerre civile dans son pays, Dieudonné Niangouna a créé sa compagnie Les Bruits de la Rue pour mettre en scène et jouer les pièces qu’il écrivait. Il a fait des études d’arts plastiques à l’Ecole des Beaux-Arts de Brazzaville.

SHEDA

Une pièce dont l’intrigue se déroule dans la Carrière de Boulbon, un cadre désertique de terre et de pierre. Un décor dépouillé où la parole forte et féroce comme les fauves de la jungle joue le premier rôle. Des êtres qui tombent du ciel, des Dieux déchus qui tentent de racheter leur humanisme, des ombres humaines qui viennent dire les bruits du monde, la peur, la solitude.

ANNE TERESA DE KEERSMAEKER ET BORIS CHARMATZ

Des anciens du Festival, tous les deux partagent le même attachement à la structure chorégraphique, le même goût pour la liberté de l’improvisation. Le public grec a eu l’occasion de voir le travail d’Anne Teresa De Keersmaeker l’année dernière au centre culturel de la Fondation Onassis : ‘’Stegi Grammaton kai technon’’

Partita 2 d'Anne Teresa De Keersmaeker et Boris Charmatz - © Anne Van Aerschot
Partita 2 d’Anne Teresa De Keersmaeker et Boris Charmatz – © Anne Van Aerschot

Anne Teresa a chorégraphié pour les deux Partita 2 pour violon de Sébastien Bach. Leur dance est traversée par des vacillements et sauts et c’est une composition inspirée par des dances baroques allemandes. Sur la scène vide de la Cour d’honneur du Palais des Papes, seule la violoniste Amandine Beyer.

RIMINI PROTOKOLL

Trois compagnons composent ce groupe qui est déjà venu en Grèce deux fois. Il s’agit de Helgard Haug, Stefan Kaegi et Daniel Wetzel qui jonglent entre fiction et réalité. Ils entraînent leur public hors des sentiers battus et intègrent leurs spectacles dans leur jeu de théâtre qui frôle le documentaire.Ιls participent au Festival avec deux spectacles.

Lagos Business Angels de Rimini Protokoll - © MuTphoto/Barbara Braun

Préoccupé par l’avenir économique du Nigéria, Rimini Protokoll est à la recherche de business angels et transforme le théâtre en un vaste salon de commerce où le public est invité à passer de stand en stand à la rencontre de femmes et d’hommes présentant leur activité.

REMOTE AVIGNON (2e spectacle)

Cinquante spectateurs portant des écouteurs se font guider dans les rues de la ville, au même rythme, par une voix artificielle. Ils font l’expérience de la relation personnelle et humaine qu’ils entretiennent avec la machine. Ils s’observent sans cesse les uns les autres, portant sur la ville un regard neuf et distancié. ’’Remote Avignon‘’ expérimente la façon dont la technologie modifie notre perception de l’environnement.

CHRISTIAN RIZZO

Artiste polyvalent, plasticien, créateur de mode, musicien et chorégraphe est avant tout un artisan de la scène qui se plaît à expérimenter. Il est connu du public grec par sa participation au Festival d’ Athènes et à celui de Kalamata. Il a été invité au Festival d’ Avignon plusieurs fois les années passées. Sa matière première reste le corps. Il choisit ses interprètes d’après son intuition et la nécessité et fait de leurs histoires et des siens un amalgame. Il invente des fictions abstraites avec des accents lyriques et rock qui touchent la vie privée de chacun.

D’ APRES UNE HISTOIRE VRAIE

Inspirée d’un spectacle à Istanbul en 2004, cette chorégraphie de Rizzo est une expérience alchimique, dance qui défie les catégories ‘’traditionnelle’’ et ‘’contemporaine’’. La Méditerranée est plutôt un souffle qu’une réalité géopolitique, l’ endroit idéal pour un pèlerinage chorégraphique et intime destiné à partager des sensations.

PATRICE CHEREAU

Encore un célèbre réalisateur et scénariste qui est venu en Grèce plusieurs fois. Patrice Chéneau a un long parcours riche en expériences et réussites professionnelles. Il a excellé dans trois arts majeurs: théâtre, opéra, cinéma,‘’ces trois langues différentes‘’. Il raconte les mêmes histoires, les mêmes allégories: histoires de la vie et de la mort, de la vie et de fantômes, d’amour et de désaffection, de solitude et d’aventures collectives. Il se considère avant tout comme un artisan au service des mots des grands poètes.

COMA

Texte Pierre Guyotat
Jeu Patrice Chéreau
Mise en scène Thierry Thieû Niang

Coma est un roman autobiographique, écrit par Pierre Guyotat, écrivain contestataire et engagé. Patrice Chéreau va donner voix et corps à cet ouvrage. Avec le texte en main, il va arpenter la scène dépouillée de tout décor en lisant ou tout simplement en incarnant. Les textes de Pierre Guyotat racontent la souffrance infinie de l’être et de l’esprit, parlent de la dépression et des tentatives de suicide mais aussi de la nécessité de vivre et de s’exprimer. Des pulsions plus fortes que le coma physique et intellectuel dont l’auteur a été victime.

GUY CASSIERS / TONEELHUIS

Guy Cassiers qu’on a vu à Stegi Grammaton kai Technon, produit des images fortes. Son originalité consiste en sa capacité à combiner des textes dramatiques, littéraires ou poétiques avec l’utilisation de caméras, d’ images vidéo, de mots projetés et de musique interprétée en direct. Il a voulu partager ce mariage des arts avec des artistes plasticiens, scénographes, vidéastes, des auteurs et les acteurs. C’est dans cet esprit qu’il a collaboré avec une multitude d’artistes de toute sorte.

Orlando de Guy Cassiers - © Frieke Janssens
Orlando de Guy Cassiers – © Frieke Janssens

Une adaptation du roman de Virginia Woolf dans une scénographie mobile dans laquelle toute la vision du théâtre de Guy Cassiers est présente.C’est une ode à la vie, à l’imagination et aux sens.

LA VILLE D’ AVIGNON

Avignon - Place du Palais - Metropolitan Basilica, Notre-Dame des Doms, Cathedral of Avignon and Papal Palace

Avignon est la plus importante ville du département de Vaucluse en Provence-Alpes-Côte d’Azur, dans le sud de la France. C’est une ville avec un riche patrimoine historique, située sur la rive gauche du Rhône et compte environ 500.000 habitants (jumelée avec Ioannina depuis 1984).

Elle est surnommée ‘’cité des papes‘’ du fait que de 1309 à 1423 et à la suite du grand Schisme d’Occident le siège du Pape a été transféré dans cette ville d’où le Palais des Papes. C’est une des rares villes françaises qui a conservé ses remparts. Au centre historique, on peut voir à part le Palais des Papes, le Rocher des Doms, l’Hôtel de Ville sur la fameuse place de l’Horloge et admirer le Pont de Saint-Bénézet dont il ne reste que quatre piliers. La ville d’Avignon a été classée patrimoine mondial de l’UNESCO.

La ville est composée de deux parties: la partie située à l’intérieur des murs, des remparts ‘’intras-muros’’ où les édifices sont dans leur majorité anciens mais esthétiquement et historiquement intéressants avec des ruelles et des impasses. Et la partie située à l’extérieur des remparts ‘’extra-muros‘’ où l’architecture est différente, plutôt moderne et ne présente pas de caractère local particulier.

Quant aux espaces verts, la ville compte vingt-six parcs et jardins publics et a reçu le premier prix des villes fleuries du concours départemental ‘’Villes et Villages fleuris‘’. Finalement il faut mentionner le bien connu vent qui souffle dans la région à une vitesse d’environ 110k/h entre 120 et 160 jours par an: le Mistral.

603996_185110808304904_239734282_n copyA place for the Arts