Diégo Velázquez au Grand Palais à Paris

Vicky Papaefthymiou
Vicky Papaefthymiou

Cinquante des 120 – 125 œuvres conservées du grand peintre espagnol seront exposées pour la première fois au Grand Palais à Paris du 25 mars au 13 juillet 2015, «en dialogue avec de nombreuses toiles d’artistes de son temps » selon les organisateurs.

Le plus célèbre peintre de l’âge d’or espagnol, Diégo Velázquez est probablement né en juin 1599 (sa date de naissance exacte n’est pas connue) à Séville et décédé en août 1660 à Madrid. Il passe ses premières années à Séville, ville florissante à l’époque. Son talent précoce le conduit à l’âge de 10 ans à l’atelier d’un peintre prestigieux: Francisco de Herrera le Vieux qui l’encourage à adopter un style personnel. Son père Juan Rodriguez da Silva (Velázquez signait sous le nom de sa mère et plus rarement sous le nom de ses deux parents de Silva Velazquez signe une lettre d’apprentissage qui lui permet de commencer sa formation artistique aux côtés de Francisco Pacheco pour une période de six ans. C’est grâce à lui qu’il va acquérir des techniques et des connaissances qui vont conditionner ses goûts esthétiques. Pacheco va lui insuffler son amour de la tradition idéaliste du siècle précédent. A l’âge de 19 ans Diégo se marie avec la fille de son maître, Juana âgée de 15 ans. Ils auront deux filles.

Diego Velazquez, Balthasar Carlos et son nain, vers 1631, 128 x 102 cm, huile sur toile, Museum of Fine Arts, Boston, © Museum of Fine Arts, Boston
Diego Velazquez, Balthasar Carlos et son nain, vers 1631, 128 x 102 cm, huile sur toile, Museum of Fine Arts, Boston, © Museum of Fine Arts, Boston

La thématique et les techniques utilisées dans ses premiers tableaux Natures Mortes, Le déjeuner  La Vieille Femme faisant frire des œufs sont novatrices. Il développe une technique des clairs-obscurs pour représenter le relief et les textures qui renvoient au Caravage. La lumière forte fait détacher les volumes des objets ce qui est probablement dû aux natures mortes flamandes et aux clairs-obscurs du Greco.

A la demande d’une clientèle sévillante et notamment ecclésiastique, sa production se tourne vers des sujets religieux  L’Immaculée, le Saint-Jean de Patmos, L’Adoration des Rois. La technique utilisée pour ces tableaux religieux rend la force de l’âme, la spiritualité, le tempérament, l’énergie et l’intensité intérieure des personnages ainsi que la finesse des objets de premier plan (Le Christ dans la maison de Marthe et Marie, La Mulâtre, Le Porteur d’eau de Séville).

Diego Velázquez, La tunique de Joseph, vers 1630, huile sur toile, 213,5 x 284 cm, Madrid, Real Monasterio del Escorial
Diego Velázquez, La tunique de Joseph, vers 1630, huile sur toile, 213,5 x 284 cm, Madrid, Real Monasterio del Escorial

En 1622, sous le règne de Philippe IV, Velázquez à Madrid et visite les collections royales. Il a ainsi l’occasion de voir des toiles de Bassano, Tintoret, Titien et Véronèse. C’est un moment décisif pour sa carrière car il découvre de nouveaux horizons traduits par la beauté poétique des tonalités ce qui marque un passage du naturalisme austère et ténébreux à la luminosité et les transparences des gris et des bleus.

Il est introduit à la Cour où il va peindre le roi et la famille royale pendant 37 ans. En outre, il est chargé de peindre des cadres décoratifs pour le palais royal. Parmi ses œuvres les plus connues de cette époque-là, ce sont  Les Ivrognes  toile qui fait référence au  Bacchus du CaravageLe Portrait d’un jeune Homme, Le Géographe.

En 1628 arrive à Madrid pour affaires diplômatiques Pierre Paul Rubens qui se lie d’amitié avec Diégo. Bien que différents, ils vont collaborer et l’influence de Rubens est déterminante. C’est d’ailleurs lui qui va l’inciter à aller en Italie pour compléter ses études.

Son premier voyage en Italie va marquer un tournant considérable dans sa peinture. Il arrive à Gênes, se rend à Venise où il copie des œuvres du Tintoret, va découvrir Giorgione à Ferrare, Guerchin à Cento. Il visite Milan, Bologne, Loreto et Rome où il copie des fresques de Michel-Ange et de Raphael ainsi que des statues à la Villa Médicis. C’est à Rome qu’il rencontre aussi des peintres baroques et des artistes de l’avant-garde romaine. L’influence de l’art italien sur Velázquez traduit par des changements concernant l’organisation de l’espace et les coups de pinceaux légers et fluides avec des reflets produisant des contrastes surprenants entre les ombres et la lumière.

Diego Velázquez, Portrait de l’infante Marguerite en bleu, vers 1659, 127 x 107 cm, huile sur toile, Kunsthistorisches Museum, Vienne © © Kunsthistorisches Museum, Vienne
Diego Velázquez, Portrait de l’infante Marguerite en bleu, vers 1659, 127 x 107 cm, huile sur toile, Kunsthistorisches Museum, Vienne © © Kunsthistorisches Museum, Vienne

En automne 1630 il rentre à Madrid et se remet à peindre le roi et la famille royale. Nommé surintendant des travaux royaux il voit augmenter ses obligations de cour au détriment de sa production artistique. Pourtant il réalise le Portrait du Prince Baltasar Carlos suite au  Prince Baltasar avec un nain  qui représente une nouvelle étape dans la technique de l’artiste: l’impression visuelle l’emporte par endroits sur le pur naturalisme et annonce une période qui va être considérée ultérieurement comme le précurseur de l’impressionnisme par l’étude des effets de la lumière et les coups de pinceaux clairs, rapides et irréguliers. Il réalise des portraits équestres de Philippe IV et du prince, La Reddition de Breda ou  Les Lances  une série de bouffons et  hommes de plaisir  de la Cour et des tableaux religieux « La Crucifixion, St Antoine Abbé et St Paul ermite.

Diego Velazquez, Portrait du pape Innocent X, 1650, 140 x 200, Huile sur toile, Rome, Galleria Doria Pamphilj, © Amministrazione Doria Pamphilj srl
Diego Velazquez, Portrait du pape Innocent X, 1650, 140 x 200, Huile sur toile, Rome, Galleria Doria Pamphilj, © Amministrazione Doria Pamphilj srl

En 1649 Velázquez part pour un second voyage en Italie d’une durée de 2ans. Cette fois pour acheter des tableaux et des sculptures pour la création d’une galerie de peinture. Il fait le Portrait de son serviteur Pareja  qui est un triomphe et le Portrait du pape Innocent X. Il se fait également nommer membre de l’Académie de St Luc. Une autre toile de cette époque est La Vénus à son miroir sujet traité antérieurement par le Titien et Rubens. La  Vénus de  Velázquez innove du fait que la déesse se présente allongée, montre son dos et on ne voit son visage que dans un miroir tenu par Eros.

Après son retour à Madrid en 1651, il est nommé maréchal à la Cour. Malgré ses grandes responsabilités c’est à ce temps-là qu’il réalise ses chefs d’œuvres  Les Ménines ou La Famille de Philippe IV et Les Fileuses ou La légende d’Arachné. Au déclin de sa vie le roi se fait faire deux portraits vêtu d’habits noirs et commande quatre scènes mythologiques placés avec les œuvres du Titien du Tintoret et de Rubens. En 1658 Velázquez devient chevalier et deux ans plus tard après une brève maladie il meurt. Huit jours après, sa femme meurt aussi.

"La Toilette de Vénus" (1647-1651), de Diego Velazquez, un des rares nus de la peinture espagnole. (National Gallery - RMN)
“La Toilette de Vénus” (1647-1651), de Diego Velazquez, un des rares nus de la peinture espagnole. (National Gallery – RMN)

Il ne reste pas beaucoup d’œuvres du peintre. Certaines ont été perdues d’autres détruites par un grand incendie. Ce peintre baroque a connu la reconnaissance universelle tardivement. Il n’a pas fait beaucoup de dessins car il avait l’habitude de ne pas faire de dessins préliminaires avant de peindre un tableau mais une composition indéfinie directement sur la toile qui prenait sa forme définitive au fur et à mesure qu’elle avançait. Autre chose qui le caractérisait c’est qu’après avoir terminé un tableau il y revenait pour apporter des modifications afin d’améliorer l’effet final.

S’il a été influencé par ses contemporains il a aussi influencé des peintres postérieurs tels que Goya, Edouard Manet, Auguste Renoir et d’autres impressionnistes. Picasso a entièrement recomposé Les Ménines selon son style cubiste, Francis Bacon a fait une série d’après le Portrait du pape Innocent X, Salvator Dali peint trois tableaux inspirés par Velázquez utilisant les coloris du peintre à l’occasion du tricentenaire de sa mort. Ses œuvres sont exposées au musée du Prado mais aussi à Vienne, aux Iles Britanniques, à Londres, Edimbourg, Dublin et New York.