Tour Eiffel: de la polémique aux louanges

FRANCE - 1888: Construction of the Eiffel Tower. Paris, July, 1888. Photograph Henri Roger. (Photo by Roger Viollet/Getty Images)
FRANCE – 1888: Construction of the Eiffel Tower. Paris, July, 1888. Photograph Henri Roger. (Photo by Roger Viollet/Getty Images)
Vicky Papaefthymiou
Vicky Papaefthymiou

A l’extrémité nord – ouest du Champ-de-Mars, en bordure de la Seine, dans le 7e arrondissement de Paris se dresse la fameuse Tour Eiffel, figure emblématique de la ville Lumières et monument incontournable pour des millions de touristes de toute nationalité.

Conçue par l’architecte Gustave Eiffel au XIXe siècle pour être le clou de l’Exposition Universelle de Paris en 1889 à l’occasion du Centenaire de la Révolution Française, elle fut construite en 2 ans, 2 mois et 5 jours sous la direction de Eiffel par une équipe composée de 50 ingénieurs et 250 ouvriers, dans des conditions souvent pénibles : 9h de travail par jour en hiver et 12h en été et des salaires insuffisants par rapport à la dangerosité de l’opération. Haut de 312m, cet édifice en fer fut à l’origine le plus élevé du monde pendant 41 ans et c’est le monument le plus visité de la capitale française après la Cathédrale de Notre-Dame. Mais la Tour ne fut pas dès le début l’objet d’admiration de tous, bien au contraire.

1887-1889, Paris, France --- The four sloping legs of the Eiffel Tower undergo construction in 1887 at the Champ-de-Mars in Paris. Civil engineer Gustave Eiffel designed the unique all-steel tower as a temporary structure for the Centennial Exposition of 1889. Instead of being demolished, it became a permanent fixture and a symbol of the city. --- Image by © Corbis
1887-1889, Paris, France — The four sloping legs of the Eiffel Tower undergo construction in 1887 at the Champ-de-Mars in Paris. Civil engineer Gustave Eiffel designed the unique all-steel tower as a temporary structure for the Centennial Exposition of 1889. Instead of being demolished, it became a permanent fixture and a symbol of the city. — Image by © Corbis

Tout au long des travaux, des critiques virulentes sous forme d’articles pamphlétaires étaient publiées dans la presse de l’époque, s’opposant à cette construction “monstrueuse” qui allait “défigurer” Paris, surtout par sa hauteur. Parmi les opposants une 50aine d’artistes, hommes de Lettres, scientifiques ,compositeurs, architectes, dont Alexandre Dumas fils, Guy de Maupassant, Leconte de Lisle, Emile Zola, ont signé une lettre de protestation publiée dans “Le Temps” du 14 février 1887.

Un débat ardent suit cette déclaration, animé par des personnalités de l’époque : hommes politiques, journalistes, ingénieurs. En dépit de tout ce bruit fait durant sa construction, à son inauguration les Parisiens se montrent plutôt favorables à cette étrange tour en fer, et petit à petit, devant le succès inattendu pour certains auprès du grand public, les esprits s’apaisent et même certains accusateurs commencent à la voir d’un œil nouveau.

Le 2 juillet 1889, Edmond et Jules Goncourt écrivaient: “… la sensation d’un bâtiment qui prend la mer… la perception bien au-delà de sa pensée, au ras de terre, de la grandeur, de l’étendue babylonienne de Paris et sous le soleil couchant, la ville ayant des coins de bâtisses de la couleur de Rome, et parmi les grandes lignes planes de l’horizon, le sursaut de l’échancrure pittoresque dans le ciel, de la colline de Montmartre, prenant au crépuscule l’aspect d’une grande ruine qu’on aurait illuminée… la descente à pied d’une tête qu’on piquerait dans l’infini, l’impression de la descente sur ces échelons à jour dans la nuit, avec des semblants de plongeons ça et là dans l’espace limité et où il vous semble qu’on est fourmi, descendant le long des cordages d’un vaisseau de ligne, dont les cordages seraient de fer.”Paul Gauguin écrivait dans “Le Moderniste illustré” du 14 juillet 1889 “… le triomphe du fer au point de vue de l’architecture…”.

A la fin de l’Exposition l’intérêt du public s’évapore et la Tour risque de s’effacer mais elle est sauvée grâce à sa reconversion initialement militaire, puis civile, avec l’installation d’un émetteur radio ; elle devient alors la Station Tour Eiffel qui diffuse la première émission française. Beaucoup plus tard, elle est sera équipée de un appareil de diffusion télévisée et d’un phare aéronautique de balisage. Depuis février 2015 elle aussi munie de deux éoliennes qui produisent jusqu’à 10 000 KWh par an pour ses besoins énergétiques.

Georges Garen
Georges Garen

Bien sûr on ne saurait ne pas se référer aux illuminations consécutives de la Tour Eiffel car l’éclairage et les jeux de lumières font partie de sa beauté mettant en valeur la charpente métallique “dentelée”. Avant même son achèvement, des feux d’artifices étaient tirés depuis le 2e étage, ce qui se fait jusqu’ à nos jours à chaque fête nationale puisque la Tour, c’est le lieu de rendez-vous des fêtards parisiens.

En 1889 10 000 becs de gaz en assurent l’éclairage qui depuis 1900 il se fait à l’électricité. En 1980, un éclairage jaune orangé se place à l’intérieur des structures et pour le passage au XXIe siècle, elle est équipée de deux faisceaux lumineux tournant comme un phare alors que 20 000 flashes crépitant sur toute la hauteur de l’édifice complètent l’éclairage lui donnant un aspect de scintillement d’étoiles. A partir du 30 novembre 2015 et pour honorer l’ouverture à Paris de la Conférence Mondiale pour le climat elle fut illuminée en vert mais à la suite des attentats terroristes récents elle a pris les couleurs du drapeau tricolore.

© Elliott Erwitt / Magnum Photos
© Elliott Erwitt / Magnum Photos

La Tour Eiffel n’est pas qu’une attraction touristique par excellence notamment depuis les années’60 mais aussi, un pôle d’attraction pour les sportifs( saut à l’élastique dans le vide, saut en rollers), les aviateurs aventureux ( survol du sommet, passage sous les arches), les acrobates et équilibristes( démonstration sans filet à 118m au dessus du sol, ascension à mains nues et sans protection en trois quarts d’heure, par -10 degrés).Cependant on ne peut pas ignorer un nombre considérable de morts( 366) dues à des défis sportifs ratés, suicides, ou tout simplement accidents.

Les quatre cents coups

La Tour Eiffel a aussi servi de lieu de concert pour de nombreux artistes dont Piaf, Aznavour, Halliday, Jean-Michel Jarre…

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Diego Rivera

Peintres, poètes, écrivains, photographes, dessinateurs, cinéastes se sont inspirés du symbole de Paris et de toute la France et on retrouve la silhouette métallique si caractéristique dans une pléthore d’œuvres d’art picturales, littéraires ou cinématographiques. Impressionnistes, post-impressionnistes, fauves, nabis tels que Louis Welden Hawkins, Paul Signac, Fernand Léger, Pierre Bonnard, Utrillo, Robert Delaunay, Diego Rivera, Raoul Dufy, Guillaume Apollinaire (Calligramme), Blaise Cendrars, Louis Lumière, Georges Méliès, René Clair, Louis Malle, ce sont quelques-uns des artistes et écrivains qui ont été séduits par la tour.

Robert Delaunay
Robert Delaunay

L’image du célèbre monument a aussi été utilisée maintes fois sous d’autres formes artistiques : téléfilms, séries télévisées, monnaie (en 1988 pour le centenaire de la tour une pièce de 5FF a été frappée), bandes dessinées, ouvrages pour la jeunesse, jeux vidéos.

Personne n’aurait pu imaginer en 1887 la popularité dont allait jouir la tour “monstrueuse” qui risquait d’enlaidir la capitale. Les propos du critique littéraire, philosophe, écrivain et sémiologue Rolland Barthes concernant la Tour Eiffel donne une autre dimension plutôt philosophique de cette construction emblématique : “Regard, objet, symbole, la Tour est tout ce que l’homme met en elle et ce tout est infini. Spectacle regardé et regardant, édifice inutile et irremplaçable, monde familier et symbole héroïque, témoin d’un siècle et monument toujours neuf, objet inimitable et sans cesse reproduit, elle est le signe pur, ouvert à tous les temps, à toutes les images et à tous les sens ; à travers la Tour les hommes exercent cette grande fonction de l’imaginaire qui est leur liberté ; puisque aucune histoire si sombre soit-elle, n’a jamais pu la leur enlever”.

Guilliame Apollinaire
Guilliame Apollinaire