Crète
Destination Corse ou Crète: véritable dilemme pour les tours opérateurs et les touristes, le choix n’est pas facile.
Ces deux îles, des cinq plus grandes de la Méditerranée (les autres sont: la Sardaigne, la Sicile et Chypre) présentent beaucoup de ressemblances mais aussi des différences si bien qu’il n’est pas toujours facile de décider laquelle des deux visiter.
Vues d’en haut, on dirait qu’elles ressemblent à deux mégalithes tombés du ciel, l’un, la Crète, un dolmen (par sa position horizontale) et l’autre, la Corse, un menhir aplati, couché sur le flanc (par sa position verticale), flottant de manière “figée” sur les eaux bleues de la Méditerranée.
Deux îles touristiques avec des ports et des villes modernisés (Ajaccio, Bastia, Porto Vecchio … Héraklion, La Canée, Réthymno, Lasithi…) où le touriste exigeant qui ne désire pas se priver de confort pendant les vacances, peut descendre dans des hôtels cinq étoiles, profiter d’ installations sportives de haut niveau, trouver des marines et avoir des loisirs de toute sorte…
Corse
Mais ceux qui veulent découvrir le vrai visage, l’âme de ces deux îles ne peuvent pas se contenter de ce côté “lustre”, “maquille” des dépliants touristiques. On va donc tenter de les connaître au-delà des groupes bruyants de touristes, loin des ensembles hôteliers de luxe.
Commençons par la physionomie du paysage.
Corse, Village Velone
La Corse est située à 177 km au sud-est de la Côte d’ Azur et à l’ouest de la Toscane. A part les innombrables criques et promontoires de la côte ouest qui lui donnent un aspect de dentelle et les hautes falaises de la côte est, la Corse est une île plutôt boisée et montagneuse. En empruntant donc un réseau de petites routes serpentées, on peut visiter les jolis petits villages, aux maisons de pierre aux toits de tuiles, nichés sur le versant de montagnes où poussent des pins et des châtaigners ou de rochers dénudés, peu acceuillants aux pics qu’on peut distinguer depuis la mer.
Les oliviers qui donnent la fameuse huile d’olive crétoise
En Crète, le paysage est grosso modo pareil. En quittant les villes portuaires et les villages côtiers, les criques aux plages sablonneuses, on se dirige vers l’arrière-pays. En traversant des hectares d’oliveraies (on compte environ 30 000 000 d’oliviers qui donnent la fameuse huile d’olive crétoise qui constitue la base de la cuisine méditerranéenne, réputée dans le monde entier) des orangeraies et en sillonnant un paysage de maquis on découvre de petits villages dans la montagne, des monastères, des églises, des massifs calcaires avec des cavernes, des gorges (les gorges de Samaria)…
Les Corses ont su préserver l’environnement et la biodiversité beaucoup mieux que les Crétois qui n’y ont pas été aussi sensibles à cause de la surexploitation touristique et de l’indifférence.
Aussi bien la Corse que la Crète ont une longue histoire qui remonte à l’ époque préhistorique. Les deux îles ont connu des invasions étrangères, la colonisation, des guerres, l’émigration et l’immigration.
Porte de la Canée, Crète
Il existe plusieurs légendes sur l’origine du nom de la Corse, nommée aussi l’île de la Beauté. Entre autres, il y en a celle qui veut que les Grecs aient appelé cette île Kallistê ( Kαλλίστη ): la plus belle mais la plus dominante est celle selon laquelle le fils d’ Hercule, Cyrnos, aurait colonisé l’île en lui donnant son nom. Puis, Cyrnos serait devenu Corsica avant de devenir Corse.
Quant à la Crète, selon la mythologie, elle serait le lieu de naissance de Zeus. Sa mère, Réa, pour le protéger de son père Kronos qui mangeait ses enfants, l’aurait confié aux nymphes qui l’auraient élevé dans une caverne du mont Idi. Mais la Crète serait aussi le lieu des amours de Zeus qui métamorphosé en taureau aurait enlevé Europe qui donna naissance à Minos, roi légendaire, fondateur de la fameuse Civilisation Minoenne dont les vestiges on peut visiter à Knossos et à Faistos.
Corse
Pour revenir à notre époque, en comparant ces deux îles on constate qu’il y a d’autres points communs mais aussi des différences.
Le tourisme constitue la souche de l’ économie qui est tout de même axée autour de l’ agriculture (agrumes, primeurs, vigne…, l’oléoculture (en Crète), la castanéiculture (en Corse), la pêche et l’ ostréoculture et bien sûr l’ élevage. En Crète, on rencontre une race particulière de bouquetin: le kri-kri et en Corse une race très résistante de chèvre, la fameuse chèvre de Corse. En Crète on produit un apéritif très fort “la rakiæ diaphane comme l’eau, à base de vin alors qu’en Corse une boisson du même genre à base de vin et de quinquina (plante médicinale).
Des analogies, il y en a même pour la langue. Les Corses, bien que Français, parlent un dialecte: le corse, issu du latin et du toscan médiéval. D’autres langues y sont parlées comme l’italien, le grec (il y a une communauté grecque venue du Magne et installée sur l’île, l’arabe. Les Crétois parlent le grec mais avec un accent très fort, très caractéristique et utilisent un vocabulaire incompris des Grecs du continent.
Les deux îles ont vu naître de grands hommes politiques, des hommes des lettres, des artistes … Napoléon Bonaparte (empereur), Tino Rossi (musicien), Dominikos Théotokopoulos surnommé El Greco (peintre), Eleftérios Vénizélos (homme politique), Nikos Kazantzakis (écrivain)
Au niveau de la musique, en Corse, il y a les chants et polyphonies, en Crète, l’instrument de musique dominant, c’est la lyre crétoise ( sorte de luth local) et les”madinadès”: chansons aux paroles improvisées selon la situation, destinées surtout à vanter les qualités de la personne à laquelle elles sont adressées.
Mais quel est le portrait physique et les traits de caractère de ces deux peuples, les Corses et les Crétois ? En fait, ils sont assez différents.
Selon les notes de l’écrivain français Prosper Mérimée qui a réalisé plusieurs séjours sur cette île en sa propriété d’inspecteur des Monuments historiques et qui a bien eu le temps de connaître l’âme corse à fond, le Corse appartient à une race autochtone, a la face large et charnue, le nez petit, la bouche grande et les lèvres épaisses. Il a le teint clair bien que hâlé, noirci par le soleil, les cheveux châtains.
Il est renfermé sur lui-même et pas aussi amical et accueillant avec les étrangers que le Crétois. On dirait que son caractère a été influencé par l’ hostilité du paysage.
Le Crétois est grand, costaud, solide, a des yeux et des cheveux noirs, a des moustaches et porte souvent la barbe. Il est ouvert et acceuillant, aime faire la fête à toute occasion, aime chanter et danser, bref, c’est quelqu’un qui apprécie la belle vie.
Malgré toutes ces différences, ils ont des points communs: l’amour de la Liberté et de l’Indépendance. En Corse, il y a un mouvement autonomiste depuis plusieurs années, en Crète, il y a des milieux qui désireraient une Crète jouissant d’une certaine autonomie. Ils se vantent d’être patriotes et prêts à donner leur vie pour défendre leur territoire et l’honneur de la famille. A propos de l’honneur, il faut dire qu’ils ont leur propre système de valeurs morales (surtout dans le passé) et un sens commun d’attribution de la justice: la vengeance par le sang, la vendetta, thème central d’un roman de Prosper Mérimée COLOMBA.
COLOMBA (PROSPERMERIMEE)
C’est un roman écrit en mai 1840 et inspiré d’un incident réel. La vraie Colomba était une femme sexagénaire, forte, courageuse, dure qui savait tirer des coups de fusil. Elle avait perdu son fils lors d’un accrochage où quatre hommes ont trouvé la mort et un s’est blessé. Selon toute probabilité, son fils était l’un des agresseurs car ses adversaires ont été acquittés. Elle n’a jamais accepté cette décision accusant la justice de “se vendre à Bastia comme tout le reste”.
Colomba, figure dominante du roman est une jeune fille dont le père fut assassiné par la famille ennemie du village qui attend le retour de son frère, Orso (qui avait quitté le pays plusieurs années auparavant et qui s’ était éloigné de la mentalité corse) pour venger la mort du père. L’intrigue du roman se tisse donc autour de ce thème de la vendetta de façon admirable. L’exotisme des lieux, la férocité des caractères, les mœurs sauvages, les coutumes se mêlent habilement à la couleur locale, à l’action, au suspens.
Une histoire qui aurait bien pu se passer dans un village de Crète. Un roman varié, rythmé, piquant, drôle parfois qui mérite d’être lu.
Bonnes vacances à toutes et à tous et bonnes lectures
Prochain rendez-vous au mois de septembre!