Cafés et bistrots: âme de la vie sociale des Français
Vicky Papaefthymiou
Cafés et bistrots: âme de la vie sociale des Français
Cafés et bistrots: âme de la vie sociale des Français
Vicky Papaefthymiou
December 19, 2015
Quelle que soit son appellation au fil des siècles taverne, cabaret, bouchon, assommoir, buvette, crèmerie, goguette, estaminet, guinguette, bar, rade, zinc, bistrot, troquet, le café a toujours occupé une place dominante dans la vie quotidienne des Français. Lieu de rencontre où l’on cause, observe, écrit, lit, lieu de repos pour les travailleurs, les promeneurs et les voyageurs fatigués, lieu de rendez-vous pour les amoureux, les copains mais aussi les hommes d’affaires, refuge pour lutter contre la solitude ou le froid en hiver le café est un lieu ouvert à tous, un endroit privilégiant le contact humain.
Au café, on parle de tout et de rien
Café de passage ou d’habitués, en ville ou à la campagne, il a toujours joué un rôle considérable dans la vie sociale, politique et littéraire en France. Toutes les couches sociales y ont accès: les riches et les pauvres, les élites, la classe ouvrière et les paysans, les artistes et les artisans, les intellectuels et les gens du peuple, les flics comme les marginaux et les vagabonds, les hommes politiques et les étudiants, les commerçants et les marins.
Lieu de rencontre où l’on cause, observe, écrit, lit, lieu de repos pour les travailleurs, les promeneurs et les voyageurs fatigués, lieu de rendez-vous pour les amoureux, les copains mais aussi les hommes d’affaires, refuge pour lutter contre la solitude ou le froid en hiver le café est un lieu ouvert à tous, un endroit privilégiant le contact humain.
Enville, chaque classe sociale a ses cafés (surtout aux siècles passés): Chez Ramponeau, La Courtille, Le Procope, Le Flore étaient surtout réservés à des élites sociales et aux intellectuels alors que les cafés autour des gares, dans la banlieue parisienne et aux quartiers populaires des grandes villes étaient fréquentés par les ouvriers et les déshérités de la vie.
Il y a des cafés – refuges pour les provinciaux, les immigrés, quelques minorités religieuses (juifs, musulmans) où les gens se retrouvent pour se donner de nouvelles de leur pays natal ou leur pays d’origine, parler leur langue maternelle, retrouver leurs racines, s’entrainer.
Au café, on parle de tout et de rien. Le café du coin, c’est le lieu où circulent les informations, les ragots, les nouvelles de la vie de quartier et de village. On y va pour bavarder, discuter, critiquer les autorités, rencontrer des filles, jouer aux cartes mais aussi se rafraîchir ou se restaurer.
Un espace où battait le cœur de la vie
Le café a aussi été un lieu de brassage d’idéologies et de courants littéraires, un espace où battait le cœur de la vie politique du pays, comme disait Balzac « … le cabaret est la salle de Conseil du peuple». Au Moyen – Age les cafés sont un endroit de rencontre des clercs et des étudiants de la Sorbonne, sous l’Ancien Régime, ils étaient fréquentés par les esprits libres, les philosophes (Voltaire, Rousseau, Diderot…) et des écrivains comme Marivaux. L’importance des cafés était telle qu’à la mort de Voltaire et de Marat, les dépouilles ont été exposées dans les cafés. Au siècle des Lumières les cafés accueillent les associations politiques pour leurs réunions.
Sous la Révolution ils deviennent le siège de divers groupes politiques: café des Montagnards, des Girondins, des Royalistes, des Dantonistes. Le Procope ouvert par le Sicilien Francesco Procopio Dei Coltelli en 1686 a accueilli aussi le club des Cordeliers, proche du peuple que celui des Jacobins plus élitiste. Ce café renommé qui compte parmi ses clients de grands philosophes (Voltaire, Diderot) fut le théâtre de décisions déterminantes pour la Constitution américaine. Aujourd’hui, c’est un café qui grâce à son ambiance cosy et son décor lié à l’Histoire (le fameux bicorne de Napoléon donné au patron du café pour régler des dettes de l’Empereur, poelle d’époque, décrets officiels et papier peint datant de 1830) attire une clientèle de prestige.
C’est dans des salles de café que s’effectuent des alliances politiques, où des journalistes viennent écrire leurs articles et des écrivains leurs lives. Des cafés chics comme le Café de la Regency, Le Café Riche, Le Café Anglais, Le Café des Aveugles avec son orchestre de musiciens aveugles (d’où son nom) Le Wepler, Le Café des Variétés, L’Assommoir du père Colombe ont vu passer à leur terrasse des Hommes de Lettres célèbres comme Diderot, Zola, Maupassant, Balzac, Arthur Miller, Rimbaud, Gérard de Nerval et beaucoup d’autres.
La majorité d’entre eux ont été inspirés par les cafés qu’ils fréquentaient et qu’on retrouve dans leurs œuvres: Zola se réfère à L’Assommoir du père Colombe dans «Nuits d’octobre», on retrouve le Café de la Régence dans le «Neveu de Rameau» de Diderot, le Café Anglais dans «Le Père Goriot» de Balzac, «L’Education Sentimentale» de Flaubert, «A l’ombre des jeunes filles en fleurs» de Proust, le Café Riche dans «Bel-Ami» de Maupassant et Rimbaud ne manque pas de se référer aux « … cafés tapageurs aux lustres éclatants… ». Ce n’est pas par hasard que les frères Goncourt ont fréquenté le Café Riche pendant 40 ans alors que Stendhal, Alfred de Musset, Alexandre Dumas, Raymond Quéneau avaient une prédilection pour le Café Anglais.
Après la guerre et en particulier dans les années ’60, à Paris, à Saint-Germain-des-Prés, deux cafés attirent les intellectuels de l’époque: Le Café de Flore et Les Deux Magots (nom dû aux deux «figurines chinoises» qui décorent l’intérieur du café). Des représentants surréalistes et existentialistes tels que André Breton, Louis Aragon, le couple Sartre Beauvoir, des écrivains et artistes tels que Robert Desnos, les frères Giacometti, Zadkine, Picasso, Marcel Carné, Reggiani, Jean-Louis Barrault, Ionesco figurent parmi les habitués de ces deux cafés légendaires. Ils y vont pour échanger des idées, lire et écrire. Un groupe d’amis surréalistes à la terrasse des Deux Magots trouvant le prix Goncourt décerné à André Malraux pour son livre «La Condition Humaine» trop académique décident de décerner «leur» prix qu’ils nomment «le prix Deux Magots». Suivant ce modèle d’autres cafés ont crée « leurs» prix surtout dans un souci de retrouver l’éclat du passé. C’est ainsi que sont fondés le prix Lipp, le prix Wepler, le prix de Flore.
Les cafés et bistrots sont tellement populaires qu’ils sont souvent source d’inspiration non seulement pour les écrivains mais aussi pour les peintres, les chansonniers et les cinéastes. Une toile bien connue inspirée par les cafés c’est «L’Absinthe » de Degas, ainsi que «La guinguette », «Le déjeuner des canotiers » de Renoir, «Le café de nuit, place Lamartine » de Van Gogh Le thème d’hommes et de femmes seuls ou avec des copains à la terrasse d’un café, devant un verre d’alcool est fréquent dans la peinture. Des artistes contemporains comme Lennart Jirlow, André Villaret, Christine Doucedame, Véronique Bonifassi, Monique Langlois et même le bien connu peintre américain Edward Hopper (sa plus grande toile «Soir Bleu » représente une scène de café parisien) ont peint des tableaux représentant l’univers des cafés.
Des chansonniers réputés ont chanté la gloire des cafés: Piaf «L’Homme des bars», G.Brassens «Le Bistrot», Brel «Les Remparts de Varsovie», Renaud «La Coupole», «Ala Close», N. Peyrac «Et mon Père», «Les Valses de Vienne».
Quant au cinéma, de nombreuses séquences sont tournées dans un café ou à la terrasse d’un café: «Brèves de comptoir» de J. M. Ribes, «Vincent, François, Paul et les autres» de Claude Sautet avec Yves Montand, Serge Reggiani, Michel Piccoli et Gérard Depardieu, «Au bistrot du coin» de Charles Nemes, «Marius» d’Alexander Korda avec Raimu, Pierre Fresney et Orane Demazis.
Les cafés, les bistrots sont omniprésents dans la vie des Français et font partie intégrante de leur vie quotidienne. Cela a toujours été comme ça et le sera à l’avenir. Les Parisiens et les Parisiennes continueront à les fréquenter seuls ou en compagnie de personnes bien aimées pour siroter un petit café noir ou boire un coup. Rien et personne ne pourra les priver de ce plaisir.